Les cépages historiques de Lorraine : de la tradition à l’innovation

14 avril 2025

La viticulture en Lorraine prend racine à l’époque romaine, où les premiers ceps ont été implantés pour approvisionner les armées et les potentes têtes couronnées. Le climat relativement frais mais tempéré de la région et les sols riches, notamment marneux et calcaires autour de Toul, ont favorisé cet essor précoce.

Pendant le Moyen Âge, la culture de la vigne est principalement liée aux abbayes. Les moines ont joué un rôle déterminant dans le développement des vignobles et la sélection des cépages. Les chroniqueurs de l’époque mentionnent notamment le auxerrois, un cépage blanc toujours cultivé, et le pinot noir, qui a longtemps dominé les vignes lorraines avant de gagner ses lettres de noblesse en Bourgogne.

La Lorraine prospérait alors comme un véritable carrefour viticole. Les vins produits ici étaient exportés dans tout le Bassin Parisien, rivalisant même, à leur apogée au XVIe siècle, avec ceux issus de Bourgogne. Malheureusement, plusieurs crises viendront bouleverser cet équilibre...

Comme beaucoup d’autres régions viticoles en France, la Lorraine a souffert de la dévastation causée par le phylloxéra à la fin du XIXe siècle. Ce minuscule puceron a anéanti une grande partie des cépages autochtones entre 1870 et 1890, forçant les viticulteurs à replanter leurs vignes sur des porte-greffes américains résistants.

En parallèle, l’industrialisation rapide, notamment autour de Nancy et Metz, a contribué à un abandon progressif des terres viticoles au profit d’usages industriels ou urbains. Résultat : les vignobles de Lorraine, qui s’étendaient sur près de 40 000 hectares au XVIIIe siècle, se réduisent drastiquement pour ne couvrir que quelques centaines d’hectares au XXe siècle.

Malgré ces bouleversements, certains cépages traditionnels ont traversé les époques, tandis que d’autres, plus récents, se sont fait une place de choix dans les vignes lorraines. Voici un panorama des incontournables :

1. Auxerrois : la star des blancs

L’auxerrois est probablement le cépage blanc le plus emblématique de Lorraine. Originaire de la vallée de la Moselle, il est réputé pour sa capacité à produire des vins ronds, fruités et légèrement floraux. Il est particulièrement utilisé dans l’AOC Côtes de Toul où il représente une part importante des assemblages de vin blanc sec.

Aujourd’hui, l’auxerrois bénéficie des avancées en viticulture pour exprimer une belle complexité, tout en s’adaptant aux contraintes climatiques modernes, notamment des étés plus chauds.

2. Le gamay et son rôle essentiel dans les gris

Si vous avez déjà goûté un vin gris de Toul, ce vin pâle légèrement teinté et incroyablement frais, vous êtes familier avec le gamay. Ce cépage, bien connu dans le Beaujolais, s’épanouit sur les terres calcaires lorraines où il apporte légèreté et vivacité aux assemblages.

Bien que le gamay ait parfois souffert d’une réputation moins prestigieuse que le pinot, les vignerons lorrains lui redonnent ses lettres de noblesse dans des cuvées respectueuses du terroir et des traditions !

3. Le pinot noir : un grand classique

Chouchou des amateurs de vins rouges élégants, le pinot noir trouve aussi sa place en Lorraine, où il est utilisé aussi bien dans les rouges que dans les rosés et les gris. Ce cépage exigeant s’établit depuis des siècles dans nos contrées et apporte à nos vins rouges leur finesse si caractéristique.

4. Cépages oubliés et expérimentations modernes

À côté des cépages bien connus, certains producteurs reviennent aujourd’hui à des variétés anciennes autrefois cultivées dans la région comme le traminot ou encore le verdal, des cépages très adaptés aux climats frais. D’autres, plus audacieux, réintroduisent des cépages résistants ou explorent des techniques biodynamiques pour répondre aux enjeux climatiques actuels.

Impossible de parler de l’évolution des cépages sans mentionner l’impact du réchauffement climatique. La Lorraine, région plutôt fraîche historiquement, a vu ses températures moyennes augmenter ces dernières décennies, modifiant la donne pour ses vignobles.

  • Un réchauffement prolongé favorise la maturation plus rapide des raisins.
  • Des cépages autrefois jugés inadaptés commencent à trouver leur place, tandis que les ancestraux résistent parfois difficilement.
  • Les périodes de sécheresse estivale imposent des choix dans l’irrigation et les rendements.

Certains viticulteurs explorent même de nouvelles pistes comme l’introduction de cépages méridionaux, mieux adaptés à ces conditions climatiques (syrah, grenache…). Cependant, cela se fait toujours avec une prudence forte afin de ne pas altérer l’identité authentique des vins de Lorraine.

Heureusement, la Lorraine bénéficie d’une jeune génération de vignerons passionnés et talentueux. Attachés à leur terroir, ils s’engagent pour préserver l’héritage local tout en le modernisant. Pratiques biologiques, vins nature, remise à l’honneur des cépages anciens : ils déploient une créativité admirable au service de la tradition.

Ce travail acharné porte ses fruits. En 2021, la Lorraine comptait plus d’une dizaine de médailles d’or au concours général agricole, preuve que nos vins n’ont rien à envier aux grandes régions viticoles françaises !

La viticulture lorraine illustre parfaitement le mariage entre histoire et innovation. Alors que les cépages traditionnels continuent de raconter une part de notre passé, leur adaptation aux enjeux modernes, d’un point de vue climatique ou gustatif, ouvre des perspectives fascinantes.

Et si vous êtes curieux d’en savoir plus, rien ne remplace une promenade dans les vignobles lorrains pour rencontrer leurs artisans, goûter leurs vins et écouter leurs histoires. Alors, prêts à lever vos verres à l’avenir de ce terroir unique ? Santé à vous et à vos découvertes !